Divorcer à l’étranger est-ce une bonne idée ? (spoiler : réponse de normand oui et non & réponse d’avocat ça dépend de votre situation 😊 et de Bruxelles IIter)

Il n’y a pas de bonne réponse, ni de réponse unique.
Cela dépend de ce que vous recherchez.
Mais la première question à vous poser est : avez-vous vraiment le choix du pays ?
Et si vous avez le choix quelle est la meilleure option pour vous ?
Le droit de la famille international est un domaine juridique complexe. Il est de plus en plus important à mesure que la mobilité des personnes s’accroît à travers le monde. Parmi les nombreux aspects de ce domaine, le divorce international occupe une place prépondérante. Il reflète malheureusement la réalité des couples binationaux ou expatriés confrontés à la dissolution de leur mariage.
Dans ce contexte, l’Union Européenne a pris des mesures significatives pour harmoniser et simplifier les procédures. La plus récente et la plus notable est le règlement de Bruxelles II ter.
Le règlement de Bruxelles IIter, officiellement connu sous le nom de Règlement (UE) 2019/1111, est entré en vigueur le 1er août 2022. Il remplace le règlement de Bruxelles IIbis datant de 2003.
Entre la France (ou un pays de l’UE) et un pays étranger/pays de l’UE : pouvez-vous choisir votre Tribunal pour divorcer ?
Il faut raisonner en deux temps :
- La France (ou un pays de l’UE) est-elle compétente pour prononcer mon divorce ?
- Si je divorce à l’étranger la France estimera-t-elle que ce pays était compétent ?
La compétence de la France selon Bruxelles IIter
La France ne pourra être compétente pour prononcer votre divorce que sur la base de l’article 3 du Règlement de Bruxelles IIter. Il en est de même pour tous les pays de l’UE.
Cet article prévoit que pour prononcer votre divorce il faut :
- Que la France soit le pays de la résidence habituelle des époux
- Ou la dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore,
- Ou la résidence habituelle du défendeur (celui qui n’engage pas la procédure),
- Ou la résidence habituelle du demandeur (celui qui engage la procédure) sous condition. Il doit y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande. Ce délai est réduit à 6 mois s’il a la nationalité du pays concerné.
- ou si les deux époux ont la nationalité française.
Le texte vous laisse donc plusieurs critères de choix. Vous pouvez utiliser celui que vous voulez.
Par exemple un couple d’italien vivant en France ont le choix entre divorcer en France (pays de leur résidence habituelle/pays du demande/défendeur) ou en Italie (pays de leur nationalité commune).
Mais attention le texte ne vise que les pays membres de l’Union européenne. Il n’y a donc pas toujours le choix.
Un couple franco-chinois vivant en Italie, ne pourra divorcer qu’en Italie, lieu de résidence habituelle des époux.
Un couple de brésiliens vivant en France ne pourra divorcer qu’en France sur le fondement de ce texte, et non au Brésil. En effet et même si c’est la nationalité commune des époux, le Brésil qui ne fait pas partie de l’Union Européenne.
Il n’y a plus de choix possible sur ce texte.
Et parfois le texte n’offre aucune possibilité.
Et un couple franco-américain vivant au Royaume-Uni (qui ne fait plus partie de l’UE) ne pourra pas divorcer en France sur le fondement de ce texte.
Aucun des critères n’est rempli.
A défaut de Bruxelles IIter, le droit français s’applique
La France faisant partie de l’Union Européenne, elle est obligée d’appliquer en priorité ce texte.
Mais si aucun pays de l’UE n’était compétent, le Règlement a prévu « un plan B ». Il n’est en effet pas question de laisser un couple sans avoir la possibilité de divorcer s’ils le souhaitent.
Ainsi dans ce cas, la France a la possibilité d’appliquer sa loi nationale. En d’autres terme la loi française à la place de l’article 3 du règlement de Bruxelles IIter.
Et la loi française prévoit que la France puisse prononcer le divorce si c’est le pays :
- du lieu de résidence de la famille ou du parent avec qui les enfants résident (sans condition de durée)
- du lieu de résidence de défendeur
- ou encore statuer sur le divorce d’un mariage conclu en France avec un étranger, ou à l’étranger avec un français.
Un français, en règle générale, aura donc a minima la possibilité de divorce en France (ou dans un pays de l’union européenne).
Pour autant et si vous êtes marié à un ressortissant d’un pays hors de l’UE, ou que vous vivez dans un pays tiers à l’UE, vous pourriez avoir envie de divorcer dans ce pays.
La France sera alors amenée à vérifier que le pays étranger en question était bien compétent pour prononcer votre divorce (et si votre divorce n’a pas été obtenu en fraude, et s’il est conforme à l’ordre public, mais nous verrons ces deux notions dans un autre article).
Sauf exception et convention bilatérale, cela se fera sur la base d’un critère. Il faut que le litige (la procédure de divorce) se rattache d’une « manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux ».
De « manière caractérisée », voilà le seul critère de compétence.
Plusieurs cas se sont présentés devant les Tribunaux pour définir ce lien caractérisé.
Ainsi un divorce prononcé en Angleterre à la demande d’une femme britannique domiciliée en Angleterre contre son mari américain domicilié en France, sans enfant mineur, a été reconnu en France. Le lien caractérisé unissant le litige et l’Angleterre se trouvait dans la nationalité et le domicile britanniques de la femme. En outre les époux s’étaient mariés en Angleterre où ils avaient établi leur premier domicile et où le mari possédait certains biens.
La compétence du juge israélien pour divorcer deux époux israéliens domiciliés en Israël a été admise, même si les époux étaient également de nationalité française, car ils étaient domiciliés en Israël.
Attention il faut que la résidence soit habituelle, et non temporaire.
Et la cour de Cassation rappelle que ce choix ne doit pas être frauduleux. Attention, il n’est pas question d’aller s’établir dans un pays tiers pour échapper à un jugement français et aux obligations qui pourraient en découler.
Il est avant tout important que votre jugement de divorce soit reconnu dans tous les pays, et pas qu’en France. Il n’est pas question que vous soyez divorcé dans un pays et marié dans un autre !
Mais ce choix, si vous l’avez, n’a en soi que très peu d’intérêt.
Pour d’autres éléments de précision : Le divorce international – Me Florence LEJEUNE-BRACHET
La loi applicable
L’intérêt réside avant tout dans les réponses aux questions suivantes :
- quelle sera la loi applicable au prononcé de mon divorce par le Tribunal (divorce amiable, pour faute, pour séparation depuis x années etc). en effet le Tribunal français n’appliquera pas forcément la loi française
- le Tribunal sera-t-il également compétent pour les demandes financières (pension alimentaire, prestation compensatoire), et appliquera-t-il la loi française ?
- et pour le partage de nos biens ?
- et pour les enfants si vous avez des enfants en commun.
Les réponses à ces questions feront l’objet d’autres articles sur le site du Cabinet, compte tenu de la complexité des questions.
Mais avant de faire votre choix, il est indispensable d’avoir une vue d’ensemble de votre situation (qui est unique et qui a donc des réponses uniques) et de vous poser ces questions dans tous les pays concernés (bien souvent celui de la résidence et de la nationalité des époux lorsqu’elle est différente du lieu de résidence).
Il est parfois préférable de demander le divorce dans un pays qui appliquera sa loi (qu’il connait et qu’il maitrise), plutôt que de vouloir absolument divorcer dans un pays qui sera amené à appliquer une loi étrangère, qu’il ne connait pas et qu’il ne maitrise pas.