La Cour de cassation a rendu deux arrêts très attendus le 2 octobre 2024 concernant l’exequatur des jugements étrangers établissant la filiation d’enfants nés par gestation pour autrui (GPA).
Ces décisions apportent des précisions importantes sur les conditions de reconnaissance en France de ces jugements.
Ces décisions ont suscité un débat juridique intense et ont des implications majeures dans le domaine du droit de la famille.
La GPA étant interdite en France, de nombreux couples se rendent à l’étranger pour y avoir recours. À leur retour, ils cherchent à faire reconnaître la filiation établie dans le pays où est né l’enfant. L’exequatur d’un jugement étranger vise à lui conférer force exécutoire sur le territoire français
Dans ce contexte, la question de la reconnaissance des jugements de filiation étrangers se pose régulièrement.
La Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la validité de ces jugements de filiation étrangers dans le cadre de la procédure d’exequatur.
L’exequatur est la procédure qui permet de reconnaître et d’exécuter en France une décision de justice rendue à l’étranger.
Dans ses décisions d’octobre 2024, la Cour de cassation a confirmé la possibilité d’accorder l’exequatur à des jugements de filiation des enfants issus de GPA, sous certaines conditions strictes.
Elle admet ainsi que la filiation établie légalement à l’étranger puisse être reconnue en France, même en l’absence de lien biologique avec le parent d’intention.
En effet, la Cour a rappelé que l‘intérêt supérieur de l’enfant doit toujours primer dans ce type de situation.
Ainsi, la Cour de cassation a souligné l’importance de garantir les droits de l’enfant et de lui assurer une stabilité juridique et affective.
La Cour impose cependant une exigence particulière de transparence. Et dans l’une des affaires, elle sanctionne le refus des parents de fournir des pièces complémentaires demandées par le juge français, face à une décision étrangère jugée peu motivée.
Ces décisions ont été suivis de deux communiqués de la cour de Cassation.
Le premier communiqué en date du 4 Octobre 2024 rappelait le rôle du juge de l’exequatur qui doit effectuer plusieurs vérifications.
Ainsi, la décision étrangère ne doit pas :
- révéler l’existence d’une fraude ;
- être contraire à l’ordre public international français, apprécié au regard des principes fondamentaux du droit français (ex. : principe d’égalité, droits de la défense, impartialité du juge, motivation du jugement…)
Mais attention, la cour rappelait que ce contrôle doit rester limité ; le juge français ne doit pas rejuger l’affaire.
La Cour de Cassation précisait alors dans son communiqué que la motivation sur laquelle repose la décision de justice étrangère doit permettre de vérifier :
- la qualité des personnes mentionnées dans le jugement ou dans les pièces annexes relatives au projet parental ;
- le consentement des parties à la convention de GPA ;
- le consentement de ces parties, et en particulier celui de la mère porteuse, aux effets que produira la convention de GPA sur la filiation de l’enfant.
Le second communiqué de la cour de Cassation du 14 Novembre 2024 vient préciser que même lorsqu’un enfant né d’une GPA à l’étranger n’a aucun lien biologique avec le parent d’intention, la filiation établie légalement dans cet autre pays peut être reconnue par la France, car l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français.
Il s’agissait alors dans ce cas d’une femme seule qui avait eu recours à la GPA avec un double don d’ovule et de sperme.
Ces décisions soulignent l’importance pour les parents d’intention de disposer d’un jugement étranger suffisamment motivé et de pouvoir fournir toutes les pièces nécessaires à l’appréciation du juge français.
Elle a également insisté sur la nécessité de prendre en compte le lien de filiation biologique et le lien de filiation affectif dans l’analyse des jugements de filiation issus de la GPA.
Mais et surtout la Cour de Cassation rappelle que l’ordre public international français ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une décision de justice étrangère qui établit un lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et un parent avec lequel il ne partage aucun lien biologique.
La CEDH a pu rappeler qu’une convention de GPA n’est pas en soi de nature à faire obstacle à la reconnaissance par la France du lien de filiation établi à l’étranger, ni à l’égard de son parent biologique, ni à l’égard de son parent d’intention.
Ensuite, la cour rappelle qu’aucun principe essentiel de droit français ne se trouve heurté.
Le droit français admet aujourd’hui la possibilité pour une femme de reconnaitre l’enfant de sa compagne.
Cette filiation n’est pas conforme à la réalité biologique et pour autant elle est admise par le droit français.
Logiquement et juridiquement les actes de naissance des enfants issus de GPA devraient pouvoir être transcrit dans leur intégralité (avec le parent biologique et le parent d’intention) malgré la rédaction de l’article 47 du code civil.
La « réalité française » comprend également cette filiation et ne correspond pas uniquement à la femme qui accouche.
C’est la thèse que j’ai toujours soutenue et qui est aujourd’hui confirmé par ce communiqué.
En conclusion, les décisions de la Cour de cassation d’octobre 2024 sur l’exequatur des jugements de filiation des enfants issus de GPA marquent une avancée significative dans la reconnaissance des droits des enfants dans ce contexte particulier.
Ces décisions ouvrent la voie à une meilleure protection des enfants nés de GPA et à une prise en compte plus juste de leur situation juridique et sociale.